vivre sans starbucks, ce n'est pas une vie. c'est même pire que ça. tu avais besoin de ta dose de frappuccino à la vanille. alors il faut dire que t'es bien contente quand tu tombes sur ce starbucks. tu commandes aussitôt ta boisson préférée avec ton anglais des plus laborieux. t'es même obligée de répéter 4 fois avant que le serveur puisse te comprendre. déplorable. mais tu t'en fous, parce que tu l'as enfin ce frappuccino, et rien ne pourrais te rendre plus heureuse en cet instant. tu marches alors joyeusement vers la sortie, le saint graal en main. mais c'est là que la pire chose qui puisse arriver sur cette terre se produit. un(e) imbécile écrivant un texto te bouscule, et ta boisson se retrouve éparpillée par terre, tout comme ton coeur. c'est automatique, tu jures en roumain. et même si ton interlocuteur ne comprenait sûrement pas un mot de tes paroles, il devinerait très probablement que tu étais en train de l'insulter vu la tonalité de ta voix et ton regard assassin.

pergi dr sini!!! tandis que tu jurais seule en route pour aller au starbucks (l'amour), t'essayais de t'inscrire sur instagram, apparemment c'était un truc assez en vogue à bournemouth. ta connexion internet foirait un peu, t'étais à deux doigts de péter un câble sur quelqu'un, et l'idée de la chaleur d'un latte macchiato entre tes doigts fins faisaient littéralement chavirer ton coeur. vraiment. l'appstore ne se décidant pas à vouloir faire avancer le téléchargement, tu t'apprêtais à ranger ton portable dans ton sac en attendant, mais tu n'as même pas le temps de lever les yeux que tu percutes une jolie brune. tu ne quittes pas des yeux sa boisson qui s'écroule par terre, et particulièrement sur tes adidas. tu pinces les lèvres, t'essaies d'esquisser un sourire, mais quand les mots étrangers (que tu devinais être des injures) de la brunette parviennent à tes oreilles, t'as plus vraiment envie de rire. tu lâches impulsivement les premiers mots qui te viennent à l'esprit, avec un ton encore plus assassin que le sien. hey calm your hormones girl, that's ok! tu fronces les sourcils, tu te demandes si tu devrais pas passer ton chemin, et l'ignorer, mais dans un élan de générosité, tu lui proposes de lui repayer un verre. t'espérais vraiment que c'était pas l'genre de filles à gueuler tout le temps  comme de la volaille pour un oui ou pour un non. t'avais pas envie de regretter de lui avoir repayé son frapuccino. tu soupires, tandis que ton regard s'adoucit. sorry, i'll buy you another, if you want to. i didn't want to be mean. tu te retiens de rouler les yeux, et surtout de la laisser en plan, pour lui sourire légèrement. légèrement.

ta boisson qui s'éclabousse au sol, c'est comme si on piétinait ton coeur. non, tu n'exagères pas. à peine. dans l'échelle de grandeur des choses que tu aimes le plus au monde, ta mère vient en première place, ton frappuccino en deuxième place, et ton petit frère en troisième place. et selon les jours, ton frappuccino monte même en première place. des jours comme aujourd'hui, où tu en oublies carrément l'existence de ta mère. après tout, si tu étais loin de ta famille, ce n'était pas pour passer ta vie à penser à elle. « nu! not okay! you broke my heart! » ce que les gens apprendront vite ici, c'est que tu es quelque peu mélodramatique. et colérique. et tu ne sais pas très bien parler anglais non plus, c'est bien pour ça que ton "non" est sorti en roumain et pas en anglais. elle te propose un autre verre, et bien heureusement. de toute manière, si elle ne l'avait pas fait, tu l'aurais obligé de le faire. « of course you will pay me another one! and one in venti. » la plus grande taille, bien sûr. tu ne fais aucun effort pour parler correctement ou même corriger ton accent des pays de l'est. tu t'en fous, de toute façon. cette fille, tu la connais pas, mais elle a fait la pire des choses possibles sur cette terre. elle pourrait te lécher les pieds que t'étais pas sûre de pouvoir lui pardonner.

c'était drôle à voir en réalité. vraiment. voir son visage se décomposer au fil des millilitres par secondes de frappuccino écoulés sur le sol couleur pastel. oui, parce que maintenant, c'est définitif, cette fille peut bien aller geindre ailleurs, t'en avais déjà assez, et si l'éducation apportée par tes parents ne t'avaient pas appris le concept de "principe", tu l'aurais déjà frappée contre un mur, en te barrant en courant après. t'arques bien haut ton sourcil, puis l'autre, tu clignes des yeux devant tant de niaiseries avant de lâcher un rire ironique. stop acting like a baby girl, ok, it's not my fault ! son mélodrame devenait presque ridicule, et tu t'avançais d'un pas lent vers la queue, histoire de ne pas perdre encore plus de temps. y'avait un peu tout le monde qui la regardait (ou vous regardait plutôt) ça te faisait doucement rire (intérieurement (très intérieurement (parce que t'avais pas vraiment envie de rire là))) mais d'un coup, comme un flash, tu te remémores d'un truc qu'on t'avait dit un jour, à help yourself. cette fille. ouais. t'étais sûre. sûre, sûre, sûre, c'était elle. l'obsédée des peluches, celle qui a passé au moins une semaine à fabriquer des oursons légèrement weirdo. oh. putain. y'a un léger rictus qui vient illuminer ton visage, des étincelles et des paillettes dans tes yeux de gosse de quatre ans. but i guess that you love teddy bears more than you love your frapuccino. que tu dis d'un ton à peine nonchalant, en croisant les bras sur ta poitrine, histoire d'avoir l'air bien sérieuse. elle comprendra. elle devait comprendre. elle doit comprendre. c'était inévitable de toute manière, on lui avait très sûrement déjà fait la remarque auparavant. soit elle allait gueuler comme une gamine, soit elle va nier. qu'importe.