« Tu vas t’ennuyer à partir aussi longtemps, pourquoi tu raccourcies pas ton voyage ? On resterait ensemble… » Assise dans le sable, Raphaëlle repassait ces mots dans sa tête, encore et encore. On lui avait dit à l’aéroport, il y a tout juste trois jours. Elle s’était jurée de pas pleurer, parce que HY serait une super expérience, qu’elle rencontrerait des gens de partout dans le monde, que son anglais serait meilleur, à la fin. C’était la bonne décision pour elle qui rêvait d’entrer à Cambridge pour ses études. Seulement voilà, quitter une personne pour laquelle on a des sentiments, c’est jamais facile. La jeune femme soupira et s’infligea une légère claque pour se ressaisir. Il n’était pas son amoureux, ils ne sortaient pas ensemble, il n’était pas clair. Sans doute était-ce mieux qu’elle ne le voit plus, si ? Elle regarda le coucher de soleil, sa musique à fond dans ses oreilles. Emmenez-moi au bout de la Terre, emmenez-moi au pays des merveilles.

Charles.
Son amour.
Lui savait lui faire du bien.

Raphaëlle pouvait passer des heures seule, à l’extérieur. Elle adorait se sentir en contact avec la nature, explorer de nouveaux endroits, découvrir les plus belles cachettes. Seulement, il était rendu tard, il ne lui restait pas beaucoup de temps avant le couvre-feu et c’est en arrivant sur une rue que quelque chose la frappa : Elle ignorait où elle était. Tôt ce matin, la femme s’était dit qu’elle passerait la journée à vagabonder dans la ville (afin de digérer le barbecue de la veille où elle s’était goinfrée comme une ogresse) et, de fil en aiguille, elle s’était retrouvée sur cette jolie plage, ignorant comment elle y était arrivée. « Oh… That’s no good. Where the f*ck am I ? », dit-elle sans grande classe. La rue semblait déserte, qui serait donc son sauveur ?

Même la plage en Angleterre lui semblait grise. Elle s'étendait de part et d'autre de l'horizon, mais elle lui semblait bien fade par rapport aux côtes françaises. On l'avait pourtant prévenu que tout était plus terne et dépourvu de piquant en Angleterre, mais Aeldrinn as toujours nourri une affection particulière pour ce pays et sa culture. Alors il avait abandonné la France et ses citoyens mornes et malpolis pour se réfugier dans le pays qui faisait les meilleures séries télévisées du monde. Pourtant, quelque chose avait l'air de lui manquer. Les Anglais étaient hauts en couleur, contrairement à leurs terres, et la population était très éclectique, mais rien n'y faisait, l'Allemagne manquait au brun déjà en manque de substances alcoolisées à une pareille. Il était resté facilement tout l'après-midi au bord de mer, quasiment sans bouger, sauf au bout de quelques heures où la position debout lui avait engourdi les pieds. Puis, lorsque le jour avait commencé à se rafraîchir, Aeldrinn s'était mis à errer comme un chat perdu dans les rues adjacentes à la plage. Il aimait bien se balader en ville. Pas forcément celle-là, n'importe laquelle, il appréciait juste regarder l'architecture, si banale soit-elle, et se souvenir peu à peu de chaque détail, sur chaque porte, mur, ou numéro de rue.

Après quelques heures à déambuler et à tourner en rond, seul moyen qu'il trouvait encore pour éviter d'aller se soûler à une heure si peu tardive, Aeldrinn s'assit sur d'étroites marches en pierre qui menaient à une série d'appartements. Il somnolait presque, depuis le temps qu'il n'avait pas mangé (oublier son portefeuille et ne plus rien avoir dans ses poches, c'est ballot pour manger en ville) et s'était quelque peu recroquevillé sur lui-même sans s'en apercevoir, pour se protéger un minimum de la température qui commençait à tomber. Définitivement, la météo française était de loin meilleure à la température britannique. Mais il fut tiré de ses pensées nostalgiques lorsqu'il entendit une voix féminine, alors même qu'il pensait la rue déserte. Elle avait l'air perdue. Son visage disait quelque chose à Aeldrinn. Elle devait faire partie des étudiants de Help Yourself, il n'oubliait jamais un visage. Et de toute manière, même s'il ne l'avait jamais vue ou qu'elle n'était pas encore à l'école, il n'avait pas vraiment rencontré de jeunes qui n'étaient pas là pour les cours dispensés à HY. Il se leva pour se faire remarquer, puis lui lança : « Need some help? » Il avait peut-être même l'air d'un pervers sorti de nulle part comme ça, mais il ne faisait jamais attention à ce qu'il pouvait faire penser de lui aux autres, il voulait juste aider, pour le coup.

Spoiler:

Raphaëlle tourna sur elle-même, histoire de voir si elle finirait par reconnaître la rue d’où elle était venue. Le temps passait et la jeune femme commençait à se dire qu’elle finirait en clocharde sur la plage. Une nuit à la belle étoile pouvait être sympa, mais elle se doutait bien que le staff d’HY ne serait pas heureux de l’apprendre. « Need some help? » La Canadienne sursauta tout en poussant un léger cri. Un homme se tenait devant elle, il semblait gentil, mais après un triste accident à Montréal, elle n’osait plus faire confiance aux inconnus. Dans le métro, un homme l’avait retenu par le bras très fort et refusait de la lâcher en disant qu’elle était à lui pour toujours. Cet événement fait partis des plus traumatisants de la vie de Raphaëlle. « No. I’m okay… Per-fect ! Thanks » dit-elle par précaution avant de pratiquement partir en courant. C’est au bout d’une dizaine de pas qu’elle se résigne à faire le fameux walk of shame.

Bien qu’elle ne le connaisse pas, elle savait bien qu’elle n’avait pas le choix. Déjà, Raphaëlle n’apprécie pas qu’on l’aide et si c’est un inconnu en plus, alors là ! Seulement, la femme était dans cette ville depuis quelques jours et n’avait le numéro de personne. « Hum, in fact… I might need some help. I’m lost and I need to go to Help Yourself ? Do you know how to get there ? » Elle fit un sourire à l’homme qui était, en fait, plutôt pas mal, même s’il semblait plus âgé. Afin de cacher son petit malaise, elle poursuivie : « I arrived a couple days ago and I weirdly decided to take a walk… Alone. I like to be outside but I have to admit that after all the walk I did today, my legs are pretty tired ! I hope the school isn’t too far away from here » Sans trop savoir pourquoi, Raphaëlle se sentie mieux et décida de faire confiance à cet étranger. Après tout, elle était venue à Bournemouth pour l’anglais, mais aussi pour l’expérience et pour changer. Faire confiance à une personne qu’elle n’a jamais vu était un bon début.